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bouffée délirante
21 décembre 2012

Des coccinelles au Zyprexa

Ce printemps là des coccinelles sont arrivées en masse. Il y en avait partout au sol et sur les herbes. Parfois quelques unes étaient prisonnières de mes cheveux. C'était joli, poétique, sauf que la plupart mourraient écrasées sous les chaussures des promeneurs. Cette mini invasion avait même fait l'objet d'un reportage au journal télévisé.

Mais dans ma réalité les coccinelles en masse était un message des extra-terrestres. Ainsi ils nous faisaient comprendre leur pouvoir sur les espèces. Leur pouvoir sur notre environnement. Et puis toutes ces coccinelles c'était aussi un message lié à l'eau que je buvais alors : la vittel. Sur les bouteilles il y a une petite coccinelle. Et Vittel, vit-elle ? Vit-elle encore ?

Si je mourrais l'espèce entière serait décimée. Pas l'espèce des coccinelles, celle des hommes.

Ainsi dans mon délire l'humanité devait se soucier de me garder en vie. J'étais une otage. Otage des voix, otage des sensations que me faisaient endurer les extra-terrestres, otage de tous ces mini scénario mis en place pour s'assurer de ma bonne santé mentale. Oui, j'interprétais tout ce qui se passait autour de moi. Et régulièrement j'étais testée. Je revivais des émotions de mon enfance, des trucs inconscients auxquels je n'avais pas tout à fait accès. Parfois je me suis effondrée en larmes sans trop savoir pourquoi. Je savais seulement que l'on me testait. En fait ces tests avaient pour vocation de montrer au reste de l'humanité que j'étais bien sous l'emprise d'extra-terrestres et non sous l'emprise d'un délire. La possibilité du délire s'auto-verrouillait ainsi. Le doute que je croyais pouvoir préserver au début était ainsi complément anéanti.

Ces « tests » étaient très éprouvants mentalement. Ils m'épuisaient littéralement, me demandaient beaucoup d'énergie intellectuelle. Ce phénomène est bien expliqué dans la vidéo que j'ai mis dans la catégorie « c'est quoi ? ». La dopamine en trop grande quantité nous fait tout interpréter. Et étant plutôt logique, je construisais un film plutôt cohérent dans la mesure où à partir du moment où l'on met des extra-terrestres dans un scénario tout devient possible. Pratique les extra-terrestres, ingénieux même car dès lors tout peut arriver.

Pendant ces tests je devais faire comme si de rien était, je jouais le jeu de la vie, parfois je laissais échapper un «  ouais, bon ça va bien maintenant, ça suffit », ou bien je soupirais beaucoup parce que j'en avais vraiment marre de tout cela. A part mes proches qui étaient au courant que j'avais pété un plomb, les autres ne se doutaient de rien. Je me comportais normalement, discutais peu mais normalement. Parfois ce double jeu m'amusait même. Parfois j'avais des fous rires mais la plupart du temps j'étais terrorisée. En fait je réagissais comme si nous étions sous un régime d'occupation.

Il s'en est passé des choses dans ma tête pendant ces sept mois. De tous les scénario possibles du début, c'est celui des extra-terrestres qui s'est finalement développé. En fait dans l'état délirant je me racontais des histoires dont je faisais partie. Un peu à la manière des livres dont vous êtes le héros.

 

Je me réveillais le matin avec les voix, je m'endormais avec les voix, souvent à bout de nerfs entre deux ou trois rêves terrifiants et particulièrement angoissants. Chaque nuit était un marathon nerveux d'ailleurs. Je me battais mentalement avec les voix, je leur opposais ma logique mais elles étaient plus fortes, et mes émotions et mon angoisse démesurée. C'était épuisant.

 

Dans mon scénario délirant, par moments il fallait que je choisisse entre faire comme s'il s'agissait d'une maladie mentale -- ce qui pour moi revenait à avouer devant le monde entier que j'étais folle, puisque le monde entier entendait mes pensées,-- ou bien continuer à lutter et prouver ainsi que je n'étais pas folle et toujours très logique.

 

Et puis je demandais régulièrement aux voix quand elles partiraient, quand elles cesseraient de me tester, de me tourmenter. Elles me donnaient des délais, des dates qu'elles ne respectaient jamais. Elles plaisantaient beaucoup, esquivaient, se moquaient de moi. Et puis une date revenait souvent : celle de mon anniversaire. Je me demandais s'il s'agissait de l'anniversaire de leur arrivée ou de mon anniversaire. Elle confirmèrent qu'il s'agissait de mon anniversaire. Alors j'ai attendu cette date avec impatience. Le jour de mon anniversaire est venu et elles étaient toujours là. Alors j'ai cherché le numéro de téléphone d'une psychiatre dans l'annuaire et j'ai expliqué mon cas : j'entendais des voix. J'eus un rendez-vous trois jours plus tard. Trois jours plus tard j'avalais enfin mon premier cachet de Zyprexa.

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